Droits fondamentaux. Handicap et accessibilité des bâtiments publics : l’État français condamné
Le Conseil d’État a condamné l’État a verser des dommages intérêt à une avocate qui, se déplaçant le plus souvent en fauteuil roulant, ne peut accéder – faute d’aménagements suffisants – à plusieurs tribunaux où elle est régulièrement appelée à travailler. Le fondement retenu par le Conseil d’État n’est pas celui d’un droit d’accès à un tribunal ou à des bâtiments publics, mais la rupture de l’égalité devant les charges publiques.
CE, Ass., 22 octobre 2010, Mme B., n° 301572
Droit social. Discrimination fondée sur l’âge en matière de licenciement : une indemnité spéciale de licenciement peut-être refusée aux salariés susceptibles de percevoir une pension de retraite ?
La directive 2000/78/CE crée un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. L’article 1er de ce texte énonce ainsi que la directive « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».
L’interdiction d’opérer une discrimination fondée sur l’âge ne constitue toutefois pas un principe absolu au sens où il peut être concilié avec des objectifs d’intérêt général dits « légitimes ».
Aux termes du 25ème considérant de la directive :
«L’interdiction des discriminations liées à l’âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l’emploi et encourager la diversité dans l’emploi. Néanmoins, des différences de traitement liées à l’âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques qui peuvent varier selon la situation des États membres. Il est donc essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites.»
L’article 6 de la directive, qui est intitulé «Justification des différences de traitement fondées sur l’âge» est plus précis encore :
« (…) les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. »
La législation danoise prévoit une indemnité de licenciement spéciale pour les salariés possédant une ancienneté importante dans leur emploi. Cette indemnité est destinée à venir en aide à des salariés qui, en raison de leur âge notamment, rencontrent des difficultés importantes pour retrouver un emploi après leur licenciement. Toutefois, la législation danoise prévoit également que cette indemnité n’est pas versée lorsque le salarié va toucher, au moment de son départ départ, une pension de retraite d’un certain montant. Cette exclusion est justifiée par le souci de ne pas attribuer une pension spécialement destinée à aider les salariés licenciés à retrouver un emploi à des personnes qui, prenant leur retraite, ne comptent pas reprendre d’activité professionnelle.
Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait donc déterminer si une telle réglementation est ou non conforme aux dispositions précitées de la directive.
Il lui fallait pour cela tout d’abord constater que la réglementation litigieuse instaure une discrimination fondée sur l’âge.
Aussi a-t-elle commencé par constater que cette réglementation « a pour effet de priver du droit à l’indemnité spéciale de licenciement certains travailleurs et ce au seul motif qu’ils peuvent bénéficier, à la date de leur licenciement, d’une pension de vieillesse ». Tandis que « l’admission au bénéfice d’une pension de vieillesse est soumise à une condition d’âge minimal ». La CJUE en tire donc la conséquence que la loi danoise en cause se fonde bel et bien sur « un critère qui est indissociablement lié à l’âge des salariés ».
Ensuite, la CJUE devait déterminer si cette différence de traitement fondée sur l’âge était justifiée par l’article 6 précité – qui autorise que des dérogations soient apportées au principe d’égalité.
Après avoir constaté que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause – celui d’apporter une aide particulière aux seuls salariés qui, suite à leur licenciement souhaitent retrouver un travail, mais qui, en raison notamment de leur âge, éprouvent généralement des difficultés particulières sur le marché de l’emploi – revêt un intérêt général, la CJUE censure toutefois l’exclusion des salariés touchant une pension de retraite. En effet, dans la mesure où la réglementation danoise ne permet pas à un salarié de renoncer temporairement au bénéfice de sa pension, elle opère une discrimination à l’encontre des salariés qui souhaiteraient poursuivre leur carrière professionnelle. Un salarié arrivé en âge de percevoir sa retraite, mais souhaitant continuer à travailler, ne peut prétendre au bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement. Cette exclusion, si elle est justifiée par le souci légitime de ne pas verser une telle indemnité à des personnes qui, parce qu’elles ne vont pas chercher un nouvel emploi, n’en ont pas besoin, excède toutefois ce qui est nécessaire pour atteindre un tel but.
On peut en conclure que la réglementation en cause aurait probablement été jugée conforme à la directive si elle avait prévu la possibilité de verser l’indemnité de licenciement aux salariés renonçant temporairement à faire valoir leur droit à la retraite.
Cette décision illustre la démarche de la CJUE qui tolère les discriminations fondées sur l’âge, à la condition qu’elles constituent le moyen de poursuivre un but légitime, mais qui veille toutefois à ce que ces discriminations constituent un moyen strictement nécessaire pour atteindre l’objectif fixé.
CJUE, 12 octobre 2010, C-499/08
Droit de la famille. Le versement de la prestation compensatoire demeure-t-il obligatoire lorsque son bénéficiaire entretient une relation avec un concubin notoire ou se remarie ? Et si cette nouvelle relation cesse ?
Une convention de divorce, homologuée par le juge, peut légalement prévoir que le versement de la prestation compensatoire cesse d’être du en cas de remariage ou de concubinage notoire de l’époux bénéficiaire de cette prestation. Toutefois, quand bien même cette convention ne l’aurait pas explicitement indiqué, le versement de la prestation compensatoire devient à nouveau obligatoire lorsque cesse le mariage ou le concubinage.
CCass, Civ 1ère, 6 octobre 2010, n°866.
Droit de la famille. Fixation de la prestation compensatoire : la période de vie commune avant le mariage doit être prise en considération
Pour fixer le montant de la prestation compensatoire, le juge prend en considération les éléments de la vie commune passée des époux, les particularités personnelles et patrimoniales de chaque époux, notamment la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels de l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants, le temps consacrer à la carrière du conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, leur situation respective en matière de pensions de retraite (article 271 du Code civil).
Ainsi, si la durée de mariage (après célébration) doit être prise en compte, la Cour de Cassation vient de préciser que « la durée de la vie commune antérieure à la célébration du mariage doit également être prise en considération, en particulier lorsqu’un enfant est né durant cette période ».
S’il est vrai que le code civil guide le juge en lui indiquant les principaux éléments à prendre en compte pour la fixation du montant de la prestation compensatoire, la Cour de Cassation nous rappelle que la liste de l’article 271 du Code civil est indicative et non limitative.
CCass, Civ 1ère, 6 octobre 2010, n° 09-1271
Droits fondamentaux. Handicap et accessibilité des tribunaux :
Selon l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), “Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…).” Ce droit est-il garanti au profit des personnes à mobilité réduite lorsque des bâtiments de justice n’ont pas été aménagés de façon à les leur rendre accessibles ?
A Cette question, la Cour européenne des droits de l’homme répond par l’affirmative. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme considère que la possibilité de “saisir les tribunaux par voie de courrier” ou celle “d’introduire une contestation en justice ou un recours administratif par l’intermédiaire d’un mandataire, y compris un membre de sa famille” constituent des moyens alternatifs qui garantissent le droit d’accès à un tribunal. Il faut donc, selon elle, pour contrôler le respect du droit d’accès à un tribunal, examiner chaque situation au cas par cas, afin de déterminer s’il existe des “moyens alternatifs qui viendront (…) pallier” à une absence d’accessibilité physique immédiate.
L’organisation du droit d’accès un un tribunal, ainsi entendu, n’est pas particulièrement contraignante pour les pouvoirs publics. Il convient d’en distinguer le droit d’accessibilité aux bâtiments publics lequel n’est pas pris en compte dans cette décision.
Cour EDH, déc. 3e sect. 14 septembre 2010, Alois Farcas c. Roumanie.
Pour en savoir plus…
Lorsqu’un divorce est prononcé, le juge détermine le montant de la prestation compensatoire. Les éléments sur lesquels il fonde son appréciation sont divers, tant est si bien que les juges du fond ne savent toujours quels éléments sont pertinent à cet égard. La Chambre civile de la Cour de cassation vient toutefois d’apporter d’utiles précisions à ce sujet.
Il est ainsi précisé que le juge peut tenir compte de la durée de la vie commune des époux postérieure à la célébration du mariage (durée totale du mariage, mais également survenance d’une séparation de fait ou de corps pendant une période devant donc être retranchée de durée du mariage), mais qu’il ne doit pas accorder d’importance à la durée de la vie commune avant le mariage. Le juge ne doit pas non plus tenir compte des prestations familiales destinées aux enfants ou encore des perspectives de versement d’une pension de réversion.
Dans la seconde de ces décisions, la Cour de cassation s’est également prononcée sur les modalités de versement de la prestation compensatoire. Ainsi, elle peut prendre la forme d’une vente viagère si l’époux est âgé, sans emploi ni qualification professionnelle et sans possibilité d’augmenter ses revenus.
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-15.346
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/855_6_17696.html
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-12.718
https://acces-distant.sciences-po.fr/http/bu.dalloz.fr/