La directive 2000/78/CE crée un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. L’article 1er de ce texte énonce ainsi que la directive « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».
L’interdiction d’opérer une discrimination fondée sur l’âge ne constitue toutefois pas un principe absolu au sens où il peut être concilié avec des objectifs d’intérêt général dits « légitimes ».
Aux termes du 25ème considérant de la directive :
«L’interdiction des discriminations liées à l’âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l’emploi et encourager la diversité dans l’emploi. Néanmoins, des différences de traitement liées à l’âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques qui peuvent varier selon la situation des États membres. Il est donc essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites.»
L’article 6 de la directive, qui est intitulé «Justification des différences de traitement fondées sur l’âge» est plus précis encore :
« (…) les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. »
La législation danoise prévoit une indemnité de licenciement spéciale pour les salariés possédant une ancienneté importante dans leur emploi. Cette indemnité est destinée à venir en aide à des salariés qui, en raison de leur âge notamment, rencontrent des difficultés importantes pour retrouver un emploi après leur licenciement. Toutefois, la législation danoise prévoit également que cette indemnité n’est pas versée lorsque le salarié va toucher, au moment de son départ départ, une pension de retraite d’un certain montant. Cette exclusion est justifiée par le souci de ne pas attribuer une pension spécialement destinée à aider les salariés licenciés à retrouver un emploi à des personnes qui, prenant leur retraite, ne comptent pas reprendre d’activité professionnelle.
Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait donc déterminer si une telle réglementation est ou non conforme aux dispositions précitées de la directive.
Il lui fallait pour cela tout d’abord constater que la réglementation litigieuse instaure une discrimination fondée sur l’âge.
Aussi a-t-elle commencé par constater que cette réglementation « a pour effet de priver du droit à l’indemnité spéciale de licenciement certains travailleurs et ce au seul motif qu’ils peuvent bénéficier, à la date de leur licenciement, d’une pension de vieillesse ». Tandis que « l’admission au bénéfice d’une pension de vieillesse est soumise à une condition d’âge minimal ». La CJUE en tire donc la conséquence que la loi danoise en cause se fonde bel et bien sur « un critère qui est indissociablement lié à l’âge des salariés ».
Ensuite, la CJUE devait déterminer si cette différence de traitement fondée sur l’âge était justifiée par l’article 6 précité – qui autorise que des dérogations soient apportées au principe d’égalité.
Après avoir constaté que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause – celui d’apporter une aide particulière aux seuls salariés qui, suite à leur licenciement souhaitent retrouver un travail, mais qui, en raison notamment de leur âge, éprouvent généralement des difficultés particulières sur le marché de l’emploi – revêt un intérêt général, la CJUE censure toutefois l’exclusion des salariés touchant une pension de retraite. En effet, dans la mesure où la réglementation danoise ne permet pas à un salarié de renoncer temporairement au bénéfice de sa pension, elle opère une discrimination à l’encontre des salariés qui souhaiteraient poursuivre leur carrière professionnelle. Un salarié arrivé en âge de percevoir sa retraite, mais souhaitant continuer à travailler, ne peut prétendre au bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement. Cette exclusion, si elle est justifiée par le souci légitime de ne pas verser une telle indemnité à des personnes qui, parce qu’elles ne vont pas chercher un nouvel emploi, n’en ont pas besoin, excède toutefois ce qui est nécessaire pour atteindre un tel but.
On peut en conclure que la réglementation en cause aurait probablement été jugée conforme à la directive si elle avait prévu la possibilité de verser l’indemnité de licenciement aux salariés renonçant temporairement à faire valoir leur droit à la retraite.
Cette décision illustre la démarche de la CJUE qui tolère les discriminations fondées sur l’âge, à la condition qu’elles constituent le moyen de poursuivre un but légitime, mais qui veille toutefois à ce que ces discriminations constituent un moyen strictement nécessaire pour atteindre l’objectif fixé.
CJUE, 12 octobre 2010, C-499/08