Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Riom a apporté des précisions importantes au sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail. Elles concernent les modalités de la rétractation et l’importance du consentement des parties lors de la signature de la convention de rupture.
Les modalités de la rétractation
En vertu de l’article L 1237-13 du code du travail, le salarié et l’employeur ayant signé une convention de rupture disposent, disposent d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation, à compter de la date de la signature de la convention.
Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen et attestant de sa date de réception par l’autre partie (l’accusé réception ou décharge contre remise en main propre étant évidemment conseillés).
Dans l’affaire dont la Cour d’appel de Riom a eu à traiter, le salarié n’avait pas procédé à une semblable notification de sa volonté de se rétracter. Mais, il avait saisi le conseil de prud’hommes dans le délai précité afin de solliciter l’annulation de la convention. Il espérait que ce recours puisse être analysé comme l’exercice de son droit de rétractation.
Mais la Cour d’appel de Riom ne l’a pas suivi, estimant notamment que : « cette lettre dont l’employeur n’était pas destinataire ne saurait tenir lieu de la lettre de rétractation visée par l’article L 1237-13. ». Avant d’ajouter : « Au demeurant, l’employeur n’a été informé de cette procédure que le 5 octobre 2009, par sa convocation devant le bureau de conciliation, postérieurement au délai imparti pour l’exercice du droit de rétractation ».
Le consentement libre et non équivoque des signataires
Selon la Cour d’appel de Riom, « la convention de rupture du contrat de travail ne peut être valablement conclue que si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du salarié pour mettre fin au contrat de travail et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre. »
Ce principe n’est pas énoncé expressément par le code du travail, mais la Cour l’a déduit des articles L 1237-14 (sur la contestation de la rupture conventionnelle devant le conseil de prud’hommes) , L 1237-11 (sur la liberté des parties pour décider des conditions de la rupture du contrat de travail), L 1237-12 (sur les entretiens au cours desquels les parties décident du principe de la rupture conventionnelle) et L 1237-13 (sur la convention de rupture conventionnelle qui règle les modalités de de celle-ci, notamment en ce qui concerne les indemnités dues au salarié).
Dans cette affaire, le salarié avait d’abord été convoqué à un entretien préalable à son licenciement. L’employeur lui avait alors expliqué que de de nombreux griefs lui étaient reprochés (incompétence, non respect du planning de travail, absence de défense des intérêts de l’entreprise, perte de confiance, critique de la société chez des clients, etc.).
Mais, le salarié ayant contesté ces griefs, l’employeur finit par lui faire la proposition suivante : ou il est licencié « avec perte et fracas » ou il accepte « un licenciement avec accord des deux parties » (l’expression malheureuse traduit bien l’idée que cet employeur se faisait de la rupture conventionnelle).
A la suite de cet entretien, la procédure de licenciement n’a pas été menée à son terme et le salarié a été convié à un second entretien pour discuter de la rupture du contrat de travail selon les modalités prévues par les articles L 1237-11 et suivants du code du travail.
La Cour d’appel de Riom concède que « L’employeur avait, certes, la faculté de renoncer à la mesure disciplinaire qu’il avait initiée pour favoriser une issue amiable au différend l’opposant au salarié. »
Mais elle relève cependant « qu’il ne s’est écoulé qu’un très court délai entre la date du premier entretien et la mise en œuvre de la procédure de rupture conventionnelle et que celle ci s’est déroulée dans un contexte conflictuel entre les parties, l’employeur ayant clairement signifié au salarié lors du premier entretien qu’il entendait en tout état de cause mettre fin au contrat de travail de sorte que le salarié restait sous la menace d’une procédure de licenciement. »
Elle précise que « Toute la procédure s’est déroulée à la seule initiative de l’employeur sans qu’il résulte des pièces produites ni des explications fournies par les parties que le point de vue du salarié qui a pourtant contesté, lors du premier entretien, les griefs formulés à son encontre, aurait été d’une quelconque manière pris en compte ou qu’il aurait été satisfait à une quelconque revendication de sa part. »
Elle en conclut qu’« Il apparaît, dans ces conditions, que le consentement du salarié à la rupture de son contrat de travail n’a pas été donné librement et que celle-ci lui , au contraire, été imposée. »
Par conséquent : « la convention litigieuse ne répond pas aux exigences posées pour sa validité par les articles L 1237-11 et suivants du code du travail (…), celle ci ne peut produire aucun effet et (…) cet acte par lequel a été rompu le contrat de travail, doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
Cette affaire illustre parfaitement la manière dont la rupture conventionnelle peut être en quelque sorte détournée par l’employeur pour maquiller ce qui s’apparente en réalité à un licenciement. Si la décision de la Cour d’appel de Riom pose une des premières pierres d’un régime jurisprudentiel de cette procédure, les faits de l’espèce n’en révèlent pas moins l’utilité pour le salarié et l’employeur de se faire conseiller lorsqu’ils souhaitent négocier une rupture conventionnelle d’un contrat de travail.
CA Riom,18 janvier 2011 n° 10-658, SAS Energreen Development
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Au sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, voir, sur ce site :
–La rupture conventionnelle du contrat de travail
–Indemnités de rupture conventionnelle et pension de retraite
–Les indemnités de rupture conventionnelle en 2011: régime fiscal et social