Par un arrêt en date du 4 mai 2011, la Cour de Cassation première chambre civile rappelle que le mariage du majeur placé sous sauvegarde de justice peut être annulé pour défaut de capacité à consentir, dès lors qu’il est prouvé que l’époux protégé ne pouvait apprécier la portée de son engagement le jour de la célébration de l’union (CCass. Civ1, 4 mai 2011, Pourvoi n°09-68.983).
Le majeur sous sauvegarde de justice exerce tous ses droits.
La sauvegarde de justice est une mesure de protection temporaire prononcée par le juge des tutelles dans l’attente de se prononcer sur la demande de placement sous tutelle ou curatelle qui lui a été présentée. La personne, objet de la mesure de protection est « celle qui est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (article 425 du Code civil).
Le majeur sous sauvegarde de justice peut exercer tous ses droits. Dès lors, il est libre de passer, seul, tous actes ou contrats relatifs à sa personne, ses biens ou droits (à l’exception du divorce et de précision contraire du juge des tutelles).
Le majeur sous sauvegarde de justice peut, donc, se marier acheter, vendre, louer, donner ses biens sans être obligatoirement assisté ou représenté.
Mais tous les actes passés par le majeur sous sauvegarde de justice peuvent être modifiés ou annulés. Les actions en nullité, en rescision ou en réduction doivent être intentées dans le délai de 5 ans (à compter du jour où il en a eu connaissance ou alors qu’il était en situation de les refaire valablement, pour le majeur protégé et à compter du jour du décès pour les héritiers de la personne sous tutelle -Article 435 du Code civil).
Contrôle de l’existence du consentement au moment du mariage
« Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement », selon l’article 146 du Code civil.
Le mariage qui est un contrat ne peut être valablement contracté que si les époux étaient en mesure d’apprécier la valeur du « oui » au moment de son expression.
Le majeur placé sous sauvegarde de justice peut exercer tous ses droits (il est dans une période transitoire et attend le prononcé, éventuel, d’une tutelle ou d’une curatelle) . Il ne bénéficie pas (encore) du même régime de protection, automatique, reconnu aux personnes placées sous tutelle et curatelle.
Dès lors le juge est amené à apprécier l’existence et la validité du consentement, comme il le ferait pour une personne qui ne bénéficie d’aucune mesure de protection.
Dans l’affaire en cause, Monsieur X avait été placé sous sauvegarde de justice le 29 octobre 2004, il a fait plusieurs donations d’un immeuble, de sommes d’argent d’un total de 121 469,41 euros, à une femme qu’il épouse le 3 janvier 2005, à l’insu de sa famille. Il est placé sous tutelle par un jugement du 28 janvier 2005. Les frères et sœurs du majeur protégé ont assigné, alors, le tuteur et l’épouse en nullité du mariage pour défaut de consentement.
la Cour a considéré que l’appréciation des juges du fond ayant estimé que le majeur protégé n’était pas en mesure de consentir au mariage n’était pas critiquable compte tenu des éléments versés au débat (expertises médicales et témoignages). Il a donc confirmé la décision des juges du fond et par la même l’annulation du mariage, et a rejeté le pourvoi en cassation.
« Attendu que les juges du fond, appréciant souverainement la valeur des témoignages produits et des expertises médicales versées aux débats, ont, sans inverser la charge de la preuve, estimée que X… X… était affectée, à l’époque du mariage, de lourdes déficiences mentales qui lui interdisaient d’apprécier la portée de son engagement le jour de la célébration de l’union ; que le moyen, qui ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation souveraine, ne peut être accueilli ».
Si le placement sous sauvegarde de justice constitue un indice, ce sont les conditions de l’expression du consentement au moment de la célébration du mariage que le juge contrôle pour juger de l’existence et de la validité du consentement donné.
Ces conditions ont été codifiées par l’article 414-1 du Code civil crée par la loi du 5 mars 2007 qui précise que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment ».
Celui qui sollicite l’annulation du mariage doit, donc, apporter des éléments de preuve démontrant l’existence d’un trouble mental invalidant le consentement de l’époux .
Qui peut demander la nullité du mariage du majeur protégé?
Tout d’abord, l’époux, son représentant légal ou encore le ministère public peuvent demander l’annulation du mariage pour défaut de consentement.
Les parents collatéraux, ou par les enfants nés d’un autre mariage ne peuvent demander l’annulation du mariage, du vivant des époux, que s’ils démontrent qu’ils ont un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte.
“Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles 184 et 187 du code civil que les parents collatéraux ne peuvent, du vivant des époux, agir en nullité du mariage, sur le fondement de l’article 146 du code civil, qu’à la condition de justifier d’un intérêt né et actuel ; qu’ayant constaté, à la date où elle statuait, que les consorts X… avaient vocation à recueillir, en l’absence de conjoint survivant, la partie de la succession de leur frère non incluse dans un testament, la cour d’appel en a souverainement déduit que ceux-ci justifiaient d’un intérêt actuel à agir”
La qualité de successible (vocation à succéder au majeur protégé) d’une personne constitue un intérêt né et actuel rendant recevable son action en nullité du mariage du majeur sous sauvegarde de justice auquel il est amené à succéder.