Lutte contre la maltraitance des personnes âgées et devoir des descendants envers leurs ascendants : Vers une modification du Code pénal ?

Le devoir des enfants de veiller à la santé, à la sécurité de leurs parents âgés, de se tenir informé de l’évolution de leur état de santé et d’intervenir lorsque l’âge ou l’état physique psychique de l’ascendant le requiert va-t-il devenir une obligation légale pénalement sanctionnée ?

Les actes de maltraitance perpétrés envers les personnes âgées sont majoritairement commis par les membres de la famille : enfants, conjoint, concubin ou partenaire ou par l’entourage proche. La personne âgée victime ne dénonce que très rarement les abus dont elle victime.

Les deux tiers des maltraitances ont lieu à domicile et un tiers au sein des établissements d’hébergement.

De plus, la maltraitance par négligence active ou passive qui constitue pourtant une grande partie des cas d’abus n’est pas prise en compte pas les textes actuellement applicables. En outre, plusieurs dispositions du Code pénal accordent une immunité à certains membres de la famille alors même qu’ils seraient les auteurs de la maltraitance.

La politique et l’action menées par les pouvoirs publics ne permettent pas d’endiguer la maltraitance notamment les maltraitances intrafamiliales et les maltraitances par négligence. Cette inefficacité découle d’une mauvaise appréciation de l’importance de la maltraitance des personnes âgées et du caractère inadapté du corpus juridique et notamment des sanctions applicables en cas de maltraitance.

Madame Michèle DELAUNAY, la Ministre déléguée chargée des personnes âgées et de la dépendance avait attiré l’attention du précédent gouvernement sur ces carences légales.

Ainsi, dans une question datée du 27 avril 2010, Madame Michèle DELAUNAY, alors députée, demandait au Ministre de la justice de « lui indiquer les mesures qu’elle comptait prendre pour rendre le code pénal plus précis afin d’identifier et de sanctionner la maltraitance des personnes âgées » [dans ces différentes typologies](1).

Madame Michèle DELAUNAY, avait, à cette occasion rappelé les dispositions du Code pénal concernant la vulnérabilité ainsi que les textes applicables au délit de délaissement. Puis, elle avait tiré le constat de la faible portée pratique de ces textes, inadaptés et inefficaces dans la lutte contre la maltraitance des personnes âgées.

Madame DELAUNAY, désormais Ministre au sein du gouvernement en exercice sera en mesure de proposer un projet de loi tendant à modifier le Code pénal afin de permettre une sanction effective des actes de maltraitance commis à l’égard des personnes âgées.

Dans ce sens, il est probable que la Ministre déléguée chargée des personnes âgées s’appuierait sur les travaux antérieurs déjà réalisés sur cette question, notamment sur la proposition de loi relative aux devoirs des enfants majeurs envers leurs ascendants âgés, du 7 janvier 2004.

Dans sa présentation de la proposition de loi, le sénateur Monsieur Michel CHARASSE, déclarait qu’il n’était « pas acceptable que des enfants s’exonèrent de toute responsabilité envers leurs vieux parents, et s’en défaussent intégralement sur la collectivité ».

Ainsi, il proposait de :

  • Préciser l’article 223-3 du Code pénal relatif au délit de délaissement en ajoutant que: « le fait, pour le descendant d’une personne vivant seule, de ne pas se tenir informé régulièrement de l’évolution de l’état de santé de l’intéressé et de ne pas intervenir alors que celui-ci a subi une brusque dégradation. Le fait qu’il en ait été dûment informé constitue une circonstance aggravante ».
  • Compléter l’article 205 du Code civil relatif à l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants : « [les descendants] veillent à leur [des ascendants] et leur sécurité lorsque leur âge ou leur état physique ou psychique le requiert. Ils pourvoient à leur sépulture ».
  • Compléter l’article 727 du Code civil afin d’écarter de la succession un descendant condamné pour avoir délaissé le défunt ou n’avoir pas pourvu à sa sépulture.

Ces propositions étaient déjà très éloignées des textes adoptés par un certains de nos voisins européens qui se sont saisis de la question depuis longtemps en érigeant en obligation légale le devoir des descendants envers leurs ascendants, comprenant tant l’assistance financière et alimentaire que l’aide, le secours et les soins à porter au parent âgé et vulnérable.

 1.  (définition de 1995 de l'International network for the prevention of elder abuse : un acte isolé ou répété, ou l'absence d'intervention appropriée, qui se produit dans toute relation de confiance et cause un préjudice ou une détresse chez la personne âgée).