Arrêt C.Cass, Civ. 1, 2 avril 2014, N° 13-10758
Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le juge des tutelles pouvait, sur simple signalement d’un tiers, se saisir d’office en ouverture d’une mesure de protection.
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le juge des tutelles ne peut se saisir d’office dans : il doit être saisi d’une requête ouverture de protection soit par la personne à protéger elle-même ou la personne avec qui elle vit en couple, un membre de sa famille, des proches entretenant des relations étroites et stables avec elle, le procureur de la République. Celui qui saisit le juge des tutelles possède la qualité de demandeur qu’il soit ou non la personne à protéger.
Selon l’article 394 du Code de procédure civile : « Le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ».
Dans cette affaire qui a donné lieu à l’Arrêt du 2 avril 2014 : Un père avait saisi le juge des tutelles aux fins d’ouverture d’une mesure de protection pour son fils, mais il s’est désisté de l’instance par courrier daté du 7 décembre 2011 et reçu au greffe du juge des tutelles le 9 décembre 2011. Le ministère public avait émis un avis favorable à la mise sous tutelle 7 décembre 2011. Une audience sera tenue le 13 décembre 2011 sans que le juge ait connaissance du courrier du désistement qui lui sera remis 4 janvier 201. Devant la Cour d’Appel de Douai, le procureur général s’était expressément opposé au désistement et avait requis la confirmation du jugement en raison de la nécessité de protéger le fils qui selon le certificat médical circonstancié était atteint d’un retard mental et de crises d’épilepsie, faisait état d’un grave déficit intellectuel, l’intéressé ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter, et que le médecin spécialiste concluait à la nécessité d’ouvrir une tutelle.
La question qui se posait dans cette affaire était de savoir si la une règle de procédure consistant à reconnaître au désistement un effet d’extinction de l’instance tel que prévue à l’article 394 du Code de procédure civile était applicable à la procédure devant le juge des tutelles compte tenu des spécificités de la protection des majeurs vulnérables qui relève de l’ordre public de protection.
La Cour D’appel a considéré que : « que l’inaptitude totale du fils à pouvoir gérer ses affaires avait pu être constatée par la cour elle-même puisque ce dernier avait été totalement incapable de répondre aux questions très simples qui lui avaient été posées lors de l’audience du 23 février 2012 ; et que, dans ces conditions, il y avait lieu de considérer que le refus du ministère public d’accepter le désistement du requérant était fondé sur un “motif légitime”, en application de l’article 396 du code de procédure civile, si bien que l’appelant devait être débouté de sa demande tendant à constater que l’instance aux fins d’ouverture d’une mesure de protection était éteinte du seul fait de son désistement (arrêt attaqué, pp. 4 et 5) ; et que, dans ces conditions, il y avait lieu de considérer que le refus du ministère public d’accepter le désistement du requérant était fondé sur un “motif légitime“, en application de l’article 396 du code de procédure civile, si bien que l’appelant devait être débouté de sa demande tendant à constater que l’instance aux fins d’ouverture d’une mesure de protection était éteinte du seul fait de son désistement (arrêt attaqué, pp. 4 et 5). »
Mais, si la Cour de Cassation confirme la décision de la Cour D’appel de Douai, elle ne reprend pas sa motivation relative à l’acceptation ou non du désistement par le ministère public. La Cour de Cassation procède à une substitution de motifs :
« Dans une procédure aux fins d’ouverture d’une mesure de protection en cours d’instruction devant le juge des tutelles, le désistement d’instance émanant du requérant ne met fin à l’instance que si aucune décision prononçant une mesure de protection n’a encore été prise ; que, M. Youssef X… ayant, selon les pièces de la procédure, été placé sous sauvegarde de justice par le juge des tutelles, suivant ordonnance du 8 août 2011, il en résulte que le désistement du père ne pouvait avoir pour effet de mettre fin à l’instance ; que, par ce motif de pur droit, substitué dans les conditions de l’article 1015 du code de procédure civile à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié .
Dès lors qu’une décision prononçant une mesure de protection est prise par le juge des tutelles et même si celle-ci a un caractère temporaire, comme la sauvegarde de justice, le désistement n’a plus d’effet.
C’est la première décision rendue par la Cour de cassation sur les effets du désistement d’instance dans la procédure aux fins d’ouverture d’une mesure de protection.
Cette position était néanmoins annoncée dans son un avis rendu le 20 juin 2011 sur cette question : Elle avait admis que : « dans une procédure aux fins d’ouverture d’une mesure de protection en cours d’instruction devant le juge des tutelles et dès lors qu’ aucune décision prononçant une telle mesure n’a encore été prise, le désistement d’instance émanant du requérant met fin à l’instance en application de l’article 394 du code de procédure civile ». (C.Cass, Avis 20 juin 2011 N°11-00004).
Cette solution n’est pas de nature à préserver l’intérêt du majeur concerné par la procédure de protection surtout lorsque le certificat médical circonstancié produit conclue à nécessité de sa mise sous protection. En effet, la protection du majeur s’il ne peut ou ne veut introduire la procédure dépendra de l’introduction d’une nouvelle requête par un proche ou le procureur de la République.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 avril 2014, N°13-16.348