Les héritiers peuvent obtenir réparation si les actes litigieux sont gravement préjudiciables à la personne vulnérable, même dans les cas où l’infraction d’abus de faiblesse n’est pas n’est pas constituée: Arrêt de la Cour de Cassation du 16 décembre 2014, n° 13-86.620.
L’abus de faiblesse est une infraction pénale punie par la loi de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende :
« l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables » (Article 223-15-2 du Code pénal).
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2014, Mme X…. avait profité de sa relation avec une dame très âgée pour se faire remettre des pièces d’or, des sommes mensuellement, des changements de bénéficiaire d’assurance vie et la modification du testament de cette dame, tout en sa en sa faveur.
Mme X…. a été poursuivie mais relaxée par le Tribunal correctionnel des chefs d’abus de faiblesse. L’institut Pasteur initialement légataire puis écarté du fait de la modification du testament s’était portée partie civile. Déboutée de la demande de réparation de son préjudice en première instance et en appel, la partie civile a formé un pourvoi en cassation
La Cour d’appel avait considéré que bien que la personne âgée présentait des déficiences physiques caractérisant un état de particulière vulnérabilité susceptible de la placer dans une situation de faiblesse, la désignation dans un testament d’un nouveau légataire universel pouvait être modifié à tout moment était sans incidence sur la disponibilité du patrimoine de son vivant et que dès lors le changement du testament n’était pas préjudiciable à la partie civile et ne pouvait donc donner lieu à réparation.
La Cour de Cassation a rappelé qu’ « il appartient aux juges du fond pour apprécier le caractère gravement préjudiciable des actes consentis d’envisager, dans leur ensemble et leur importance, les actes litigieux ; qu’il apparaissait ainsi que Andrée Y…avait souscrit au profit de Mme X… deux contrats d’assurance vie d’une valeur de 160 000 euros, qu’elle l’avait également instituée légataire universel, qu’elle avait, par ailleurs, effectué à son profit un virement de 40 000 euros, qu’elle lui avait, encore, donné des pièces d’or pour une valeur supérieure à 13 000 euros et que Mme X… avait procédé sur le compte de Andrée Y…, pendant deux ans, à un retrait mensuel de 1000 euros en liquide, ces retraits s’étant poursuivis alors que Mme Y…était en maison de retraite ; que pour considérer que les libéralités consenties n’avaient pas été préjudiciables à André Y…, la cour d’appel a examiné chaque acte pris isolément ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, dans leur ensemble et par leur importance totale, les actes litigieux n’avaient pas été gravement préjudiciables à Mme Y…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale et violé les textes susvisés “.
Le fait pour une personne vulnérable de disposer de ses biens par testament en faveur de la personne l’ayant conduite à cette disposition constitue un acte gravement préjudiciable ouvrant droit à réparation.
Même si l’infraction n’est pas constituée, la Cour de cassation retient que l’existence d’une faute civile en rapport direct avec les faits objet de la poursuite ouvre droit à réparation pour la victime ou ses héritiers.
Cass. Crim.16 décembre 2014, n° 13-86.620