Dans un arrêt récent, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation apporte une précision très importante au sujet de l’incidence de la disparition de la cause sur la validité du testament.
Il est admis depuis longtemps que la disparition des motifs déterminants d’un legs entraîne la caducité de celui-ci. Par exemple un testament est caduc si son auteur a légué ses biens à une œuvre caritative parce qu’il ignorait avoir un héritier.
Dans cet exemple, le testateur n’a pas eu connaissance de l’erreur sur la cause. Mais qu’en est-il lorsqu’il en a eu connaissance avant de décéder ? Doit-on considérer que n’ayant pas modifié son testament, il entendait le maintenir nonobstant ?
C’est la question à laquelle la Cour de cassation vient de répondre.
Les faits étaient les suivants :
-Jean-Marie M… et Marie-Dominique F… ont fait donation à deux de leurs enfants, Marie-Jeanne et Jean-Dominique (les consorts M…), d’un fonds de commerce.
-Puis, par testaments authentiques du 5 avril 1995, ils ont pris les dispositions suivantes : “En 1994, j’ai donné à mes deux enfants Marie-Jeanne et Jean-Dominique mes droits sur un fonds de commerce de restauration sis à Ajaccio (…), ayant le souci de conserver l’équilibre entre mes enfants, je lègue à Paul-Joseph M… et à Pascal M…, mes deux fils, la plus forte quotité disponible dont la loi me permet de disposer en leur faveur (…)” . La donation du fonds de commerce aux consorts M… constituait donc la cause des dispositions testamentaires favorisant les deux fils.
-Cependant, un an plus tard, les consorts M… ont restitué leur fonds de commerce à leur parents. Par conséquent, le motif déterminant du testament disparaissait. Le testament n’a toutefois pas été modifié.
-Après le décès de leur dernier parent, en 2004, les consorts M… ont fait assigner leurs frères, Paul-Joseph et Pascal, en caducité des testaments dressés le 5 avril 1995 en raison de l’absence de cause résultant de la restitution à leurs parents du fonds de commerce.
La Cour d’appel a fait droit à la demande des deux frères. Elle a d’abord relevé que les testaments indiquaient expressément la volonté de leurs auteurs d’assurer l’égalité entre leurs quatre héritiers. Puis elle a constaté que les consorts M…, ayant restitué à leurs parents le fonds de commerce, n’étaient plus gratifiés d’aucune libéralité au moment du décès de leurs parents. Enfin, les juges d’appel en ont conclu que la seule cause des testaments ayant disparu, ceux-ci étaient devenus caducs.
La Cour de cassation a toutefois annulé cet arrêt au motif « qu’il appartient exclusivement au testateur, capable, de tirer les conséquences de la disparition prétendue de la cause qui l’a déterminé à disposer ».
La conclusion à en tirer est très simple, lorsque le testateur a connaissance de la disparition des motifs déterminants du testament (ou de l’erreur commise à leurs sujet), il doit modifier celui-ci. S’il ne le fait pas, il sera réputé avoir choisi de maintenir son testament quand bien même les motifs déterminants qu’ils avaient précédemment pris soin de mentionner ne sont plus valables.
Arrêt n° 1160 du 15 décembre 2010 (09-70.834) – Cour de cassation – Première chambre civile
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